Bien qu’elle a changé les lieux, noms et dates, qu’elle a ajouté et modifié les personnages, la trame de fond demeure cette affaire judiciaire où un homme a été accusé de meurtre prémédité et condamné à la peine capitale, alors que tout laissait croire à un vol ayant mal tourné.
Séquelles profondes
En près de 400 pages, l’écrivaine de Sainte-Rose relate le drame vécu par les 3 familles touchées, celles de la victime, du jeune condamné et de sa fiancée, pour laquelle il avait volé, n’ayant pas les moyens financiers suffisants pour lui offrir un mariage de rêve.
«Ce n’est pas qu’un récit de procès, c’est surtout une histoire d’amour, d’amitié et de solidarité familiale, des valeurs qui me sont très chères, précise Claire Bergeron. Je passe du passé au présent, en réservant plusieurs surprises au lecteur. Je me suis même gardée un petit cadeau, soit une grand-maman qui a mon âge et vivra une histoire d’amour.»
Recherches
C’est une lectrice assidue qui a d’abord alerté l’auteure, dont les trois précédents romans comportaient également des procédures juridiques, à l’été 2013.
Originaire de l’Abitibi, le père adolescent de cette lectrice avait bien connu l’homme qui a été pendu. Il avait encore le souvenir «d’une enquête et d’un procès bâclés». Dans un courriel, elle lui a indiqué le numéro de dossier se trouvant à la Bibliothèque et Archives Canada.
Avec l’aide de membres de sa famille, Claire Bergeron a pris la route pour Ottawa le 25 juillet. Sur place, elle a éprouvé une première surprise. Le dossier n’était pas très imposant. Elle a tout photographié, prenant ensuite le temps de l’éplucher et allant de surprise en surprise.
«J’ai été stupéfaite, dit-elle. Au moment des délibérations, il ne s’est écoulé que 19 minutes entre la sortie et le retour des jurés en cour! Le doute raisonnable n’est certes pas allé en faveur de ce jeune homme.»
Dans la réalité, le condamné était l’aîné de 15 enfants. Dans la fiction, l’auteure en a fait le plus vieux de 11 frères et sœurs d’une famille pauvre en région rurale. Des gens qui ne pouvaient se payer une défense de qualité.
Exigeante, l’écriture d’Une justice à la dérive aura demandé un an de travail et de discipline quotidiens.
Déjà populaire
Critique de l’appareil judiciaire, portrait historique de la vie en Abitibi il y a plus de 70 ans, il semble que le propos de Claire Bergeron attire déjà l’attention. Son quatrième roman a été sélectionné par le Club de lecture Archambault pour la semaine du 7 au 14 mars. L’auteure bien connue Chrystine Brouillet en fera la présentation lors de l’émission de Salut Bonjour Week-end, le samedi 21 mars.
Claire Bergeron ne s’assoit pas sur ces premiers succès. Elle travaille déjà sur son prochain livre, qui s’attardera au camp d’internement de Spirit Lake, près d’Amos, où des Ukrainiens et Allemands avaient été détenus dans la paranoïa succédant à la déclaration de la Première Guerre mondiale.
«On connaît peu cet épisode de notre Histoire, car c’est une épine dans le pied du Canada, affirme-t-elle. Je m’aperçois que cette soif de justice habite chacun de mes trois romans, l’hypocrisie du clergé (Sous le manteau du silence), l’abus d’enfants par des adultes (La promesse d’Émile) et la situation des femmes (Quand les femmes étaient des ombres) à l’époque où elles n’avaient aucun statut social reconnu.»