La juge en chef de la Cour d’appel du Québec, Manon Savard, s’est rendue à la requête de Tony Accurso, ordonnant ce mardi 7 juin sa mise en liberté dans l’attente de la décision de la Cour suprême du Canada, appelée à statuer sur sa demande pour autorisation d’appel.
Celle-ci avait été adressée par le requérant le 31 mai dernier, la veille de son incarcération. M. Accurso saisissait ainsi le plus haut tribunal au pays de l’Arrêt du 26 mai, rejetant son appel à l’encontre des verdicts de culpabilité et des peines imposées en 2018. La Cour d’appel maintenait alors sa condamnation à quatre ans d’emprisonnement pour sa participation dans le système de collusion et de corruption entourant l’octroi de contrats publics qui a sévi pendant au moins 14 ans à Laval.
Mis en place par le maire déchu Gilles Vaillancourt, ce système avait été dépeint par le juge de première instance, James L. Brunton, comme «l’un des pires, sinon le pire exemple de corruption municipale qui s’est retrouvé devant un tribunal canadien», rappelle la juge en chef de la Cour d’appel du Québec. Il y a quatre ans, à l’issue d’un second procès devant jury, Tony Accurso avait été jugé coupable pour complot, fraude, corruption dans les affaires municipales et abus de confiance.
Le DPCP ne s’est pas opposé
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) ne s’est pas opposé à la demande de mise en liberté de M. Accurso, explique la magistrate dans un jugement de 11 pages.
Lors de l’audience du 3 juin, la poursuite a reconnu que «les moyens d’appel sont sérieux, bien qu’elle entende les contester avec vigueur et entretient des doutes sur les chances de succès [du demandeur]». Par ailleurs, le DPCP estimait «que la confiance du public envers l’administration de la justice serait préservée si le requérant était libéré en attendant la décision de la Cour suprême».
Dans sa décision, la juge Savard, qui en 2018 avait également consenti à la mise en liberté de Tony Accurso dans les jours suivant son emprisonnement alors qu’il portait en appel le jugement de la Cour supérieure, a pris en considération le respect des ordonnances passées par le requérant. Elle signale que celui-ci «est demeuré en liberté pendant toutes les procédures judiciaires débutées en 2013 sans jamais manquer à ses obligations, selon la preuve».
«[…] comme c’était le cas lors du prononcé du Jugement 2018, le requérant pourrait avoir purgé une bonne partie de sa peine d’emprisonnement dans l’attente de la décision de la Cour suprême du Canada, vu les délais inhérents à la demande d’autorisation d’appel devant cette instance. Le requérant plaide, sans opposition de la poursuite, qu’il sera éligible à une libération conditionnelle au sixième de sa peine (i.e après 8 mois de détention), vu la teneur des dispositions législatives applicables au moment de la commission des infractions.»
Également, la juge Manon Savard écrit que les crimes pour lesquels Tony Accurso a été déclaré coupable, bien que graves et sérieux, sont exempts de toute violence contre la personne et ne sont pas susceptibles de mettre en péril la sécurité du public. Sans compter que l’ex-magnat de la construction au Québec, aujourd’hui âgé de 70 ans, n’est plus impliqué dans la gestion d’entreprises.
Conditions
Sa mise en liberté est assortie d’un dépôt personnel de 125 000 $ et d’un engagement de tiers totalisant 50 000 $ en plus d’une série de conditions dont l’interdiction de quitter le Québec et de communiquer avec une cinquantaine de personnes – toutes accusées ou témoins dans le procès entourant la corruption érigée en système sous l’administration Vaillancourt – sauf en présence de son avocat pour les fins de préparation judiciaire.
La 12e et dernière condition impose à Tony Accurso de «se livrer immédiatement aux autorités carcérales» advenant le rejet de sa demande pour autorisation d’appel ou encore un prononcé de l’arrêt de la Cour suprême rejetant son appel.