(Dernière mise à jour: 10 juin, 8h15)
NDLR: Une malencontreuse erreur s’est glissée hier à la fin du texte. La réaction attribuée à la Direction générale de la Ville visait plutôt l’audit de performance sur la Planification à long terme des investissements en immobilisations et programme triennal d’immobilisations (PTI). La correction a été apportée. Nos excuses.
L’entretien et la reconstruction des chaussées ont fait l’objet d’un audit de performance mené dans le cadre des travaux du Bureau de la vérificatrice générale de Laval, qui rendait public son rapport annuel le 8 juin.
«Le processus actuel utilisé par la Ville ne lui donne pas l’assurance que les investissements consentis pour maintenir ou améliorer la chaussée de son réseau routier donnent des résultats optimaux», souligne d’emblée la vérificatrice Véronique Boily.
Données incomplètes
«Bien que la Ville procède à l’évaluation de son réseau routier à une fréquence qui respecte les saines pratiques, les données sur la chaussée sont incomplètes et ne sont pas organisées pour que tous les services concernés y aient facilement accès», observe-t-elle.
Par exemple, la date de construction initiale des 14 533 tronçons recensés sur le territoire lavallois n’est pas disponible. Jugée indispensable, cette information permet de déterminer le début du cycle de vie d’une chaussée et de compléter le portrait global de l’état du vieillissement de l’ensemble du réseau routier. «La Ville de Laval ne dispose pas de cette donnée pour gérer l’entretien et la reconstruction des chaussées.»
D’autres données ne sont que partiellement disponibles. C’est le cas notamment pour l’historique des travaux, les données sur la circulation et les plaintes et requêtes citoyennes. Celles-ci – la Ville a reçu 3874 requêtes en 2020 – sont un complément d’information sensé venir bonifier le processus décisionnel. «Bien que l’information soit disponible et pertinente, elle n’est pas prise en compte dans le processus de planification afin de compléter le portrait complet de l’état de la chaussée.»
Dans son rapport, la vérificatrice générale précise que l’exhaustivité des données de différentes natures sur l’état et l’utilisation du réseau sont nécessaires pour que puisse être recommandé le bon traitement, sur le bon tronçon, au bon moment.
Données consignées mal exploitées
Le fait que les données ne soient pas regroupées dans un même logiciel «ne permet pas de comprendre précisément le processus de dégradation spécifique des chaussées de la Ville pour extrapoler les niveaux de dégradation futurs [ni de] planifier les bons types d’intervention au bon moment sur l’ensemble du cycle de vie des actifs [ni de] suivre les travaux par rapport aux plans établis, de mesurer ni de qualifier l’atteinte des résultats».
En matière de planification, pour assurer un entretien adéquat du réseau, les besoins à court, moyen et long terme se doivent d’être évalués, précise-t-on. Cela nécessite pour une administration municipale de «définir un niveau de service, c’est-à-dire ses objectifs quant à l’état souhaitable de son réseau routier».
Or, Mme Boily constate que «la Ville ne s’est pas encore positionnée sur le niveau de service souhaité», et ce, malgré que le Service de l’ingénierie ait analysé l’évolution du niveau de service et évalué trois scénarios d’investissement.
Elle enchaîne: «Bien que des scénarios aient été préparés, il n’y a pas d’évidence que les besoins d’entretien qui en résultent ont été déterminés pour tous les tronçons du réseau sur l’ensemble de leur cycle de vie.»
Déficit d’entretien galopant
La vérificatrice générale relève que le déficit d’entretien du réseau routier est une donnée qui échappe aux autorités municipales.
«Sans calcul du déficit par la Ville, le Bureau du vérificateur général a estimé, en utilisant certaines hypothèses de la Ville, que le montant de l’investissement nécessaire pour résorber son déficit d’entretien des chaussées pouvait s’élever entre 284 M $ et 450 M $ en dollars de 2020, dépendamment si les entretiens sont faits au moment opportun ou non», peut-on lire dans le rapport.
Véronique Boily évalue que ce déficit accumulé augmentera d’au moins 120 M$ au cours des trois prochaines années, entraînant une détérioration accrue de l’état physique des chaussées.
Investissements nettement insuffisants
Cent vingt millions de dollars, c’est le manque à gagner entre le montant inscrit au Programme triennal d’immobilisations (PTI) 2022- 2024 pour la réfection de la chaussée et ce que la Ville devrait normalement investir dans son réseau.
Selon le Comité directeur de projet des infrastructures canadiennes, la somme annuelle à investir doit correspondre minimalement à 2 % de la valeur de remplacement du réseau routier local.
Considérant que la Ville chiffre cette valeur à 2,9 milliards de dollars, l’investissement annuel requis s’élève à 58 M $. Or, pour l’année en cours, la somme inscrite au PTI (13,7 M$) est 4 fois moindre. Sur un horizon de 3 ans, la Ville projette injecter une somme totale inférieure à 54 M$.
«Les sommes prévues au PTI 2022-2024 sont insuffisantes pour couvrir les besoins ciblés dans les scénarios d’investissement et pour maintenir le réseau dans son état actuel», ajoute la vérificatrice générale. Ces scénarios préparés par le Service de l’ingénierie nécessitent 158 M$ sur 3 ans, soit 3 fois plus que les montants réservés.
«Enfin, puisque la stratégie de maintien des actifs actuelle est essentiellement palliative et que les sommes investies sont insuffisantes […], l’état des infrastructures risque de continuer à se détériorer, et leur entretien deviendra plus coûteux», prévient Mme Boily. Elle ajoute que «lorsque l’entretien est reporté jusqu’au point où il ne devient plus une option viable et qu’il faut plutôt remplacer l’actif, les coûts de reconstruction sont multipliés par 5 environ.»
Exceptionnellement, le Courrier Laval n’a pu s’entretenir avec la vérificatrice générale dans la foulée du dépôt de son rapport, cette dernière n’étant pas disponible pour des raisons de santé.
Réaction et commentaires
Face à ces constats et aux huit recommandations formulées par le Bureau du vérificateur général de Laval, la Direction générale de la Ville se limite à ce seul commentaire à la fin de l’audit qui tient sur 30 pages: «Nous avons pris connaissance de votre rapport et nous nous engageons à procéder à la mise en place du plan d’action afin de suivre la réalisation des recommandations de ce rapport.»
Pour sa part, le parti Action Laval soutient que le «rapport dévastateur de la vérificatrice générale confirme ce que tout le monde a constaté depuis quelques années». Son chef Achille Cifelli, également conseiller dans Val-des-Arbres, y dénonce une «gestion à la petite semaine», affirmant que la Ville n’a «pas de planification, pas de stratégie et même pas de données pour prendre des décisions éclairées».<@S2>(S.ST-A./IJL)<@$p>